Dominique Méda

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Dominique Méda, née le à Sedan, est une haute-fonctionnaire, philosophe et sociologue française. Ses travaux portent sur le travail, les politiques sociales, les indicateurs de richesse, les inégalités femme-homme dans l'emploi, et la transition écologique.

En 2010, elle fonde le Laboratoire de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Elle est co-présidente du Forum pour d'autres indicateurs de richesse depuis 2012, et présidente de l'Institut Veblen depuis 2020.

Parcours personnel[modifier | modifier le code]

Née le à Sedan, Dominique Méda fait ses études secondaires au lycée Pierre-Bayle avant d'entrer en hypokhâgne et en khâgne au lycée Henri-IV à Paris. Ancienne élève de l'École normale supérieure (Sèvres puis Ulm après la fusion de 1985) et de l’École nationale d'administration, agrégée de philosophie, elle est membre de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) depuis 1989 et inspectrice générale des affaires sociales. Elle est responsable de la Mission animation de la recherche à la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES) de 1995 à 2005[1] puis directrice de recherches au Centre d'études de l'emploi et du travail. Elle obtient une habilitation universitaire en sociologie en 2009, à l'université Toulouse-Jean-Jaurès[2], Gilbert de Terssac étant son garant.

Depuis 2011, Dominique Méda est professeure de sociologie à l'université Paris-Dauphine, directrice de l'Institut de recherches interdisciplinaires en sciences sociales (IRISSO, UMR CNRS INRAE).

Elle a été membre du jury de l'ENA (puis INSP) en 2020 (concours externe docteur), 2021 (concours interne) puis 2022 (concours externe).

Travaux[modifier | modifier le code]

Depuis 1993, date de son premier ouvrage collectif, Politiques sociales, écrit avec Marie-Thérèse Join-Lambert, Anne Bolot-Gittler, Christine Daniel et Daniel Lenoir, également membres de l'IGAS, Dominique Méda mène une réflexion philosophique et sociologique sur la place du travail dans nos sociétés, les rapports entre économie et politique, les instruments avec lesquels nous mesurons la richesse d'une société, la place des femmes dans l'emploi, le modèle social français et, depuis 2010, sur la transition écologique.

Histoire philosophique du Travail[modifier | modifier le code]

Ses travaux ont marqué la sociologie du travail en France et en Europe, soulevant des débats publics[réf. nécessaire]. Dominique Méda a en effet mené, en inscrivant sa réflexion dans l'histoire de l'humanité, de nombreuses recherches fondamentales sur le travail : le rapport qu'on entretient avec lui et le sens qu'on lui prête.

En 1995 paraît son premier livre sur le travail qui rencontre un large écho[réf. nécessaire] : Le travail. Une valeur en voie de disparition [3],[4]. Elle propose une histoire philosophique du concept de travail en s'appuyant notamment sur les travaux de Jean-Pierre Vernant et Marie Noëlle Chamoux et en montrant les différentes étapes historiques au travers desquelles le concept moderne de travail a émergé : au XVIIIe siècle, le travail trouve son unité au prix d'une conception abstraite, marchande et détachable ; le XIXe siècle voit l'apparition sur la scène publique de la dimension de « liberté-créatrice du travail » bien représentée dans la philosophie allemande, mais aussi dans les œuvres de jeunesse de Marx ; à la fin du XIXe siècle, avec l'émergence de la société salariale, le travail devient le pivot du système de distribution des revenus, des droits et des protections. Méda montre que les contradictions existant entre ces différentes dimensions du travail, qui coexistent, sont légion. Au terme de cette histoire, le travail apparaît comme une norme, un fait social total, considéré comme le moyen individuel de réalisation de soi et le mode privilégié de création de lien social. L'ouvrage est un plaidoyer pour une réduction de la place du travail dans la vie individuelle et sociale [5],[6] - qui permettrait de libérer de l'espace et du temps pour les activités citoyennes, politiques, centrales pour la cohésion sociale - et pour un meilleur partage du travail. Il s'agit de permettre à tous, femmes et hommes, d'accéder à la gamme diversifiée des activités humaines (activités politiques, productives, familiales, amoureuses, de libre développement de soi). Les enquêtes sociologiques menées avec ses collègues permettront de mettre en évidence l'importance accordée au travail par les Européens, notamment les Français.

Place des femmes dans l'emploi[modifier | modifier le code]

Dominique Méda a également travaillé sur les questions d'égalité hommes/femmes au travail. Ses ouvrages récents sont consacrés à la place des femmes dans l'emploi. Ils constituent un plaidoyer pour un meilleur partage des tâches domestiques et parentales entre les hommes et les femmes et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour les hommes et les femmes, ainsi qu'une amélioration de la place des femmes dans l'emploi[7].

Mesure de la richesse et critique du PIB[modifier | modifier le code]

Plus largement, Dominique Méda interroge les rapports entre économie et politique et les instruments avec lesquels nous mesurons la richesse d'une société. En 1999, elle publie Qu'est-ce que la richesse ?, dans lequel elle met en évidence les limites du produit intérieur brut comme indicateur de richesse sociale et propose une politique de civilisation appuyée sur une nouvelle conception de la richesse et du progrès, et de nouveaux indicateurs[8]. Elle réintroduit ainsi en France la critique de la croissance[réf. nécessaire], thème qu'elle travaillera avec Florence Jany-Catrice et Jean Gadrey durant les années suivantes. Pour Pierre-Olivier Monteil, « l'ouvrage est résolument tonique, critique, voire militant... »[8] Dominique Méda y fait intervenir une matière considérable pour tenter d'ébaucher des propositions concrètes sur le plan politique et syndical. Néanmoins, selon Monteil, le livre ne se départ pas d'une certaine ambiguïté en ce qui concerne certaines formulations et problématiques[8].

Dans le prolongement de cette réflexion, elle est l’un des membres-fondateurs puis aujourd'hui coprésidente du Forum pour d'autres indicateurs de richesse (FAIR) créé au moment de la mise en place de la Commission Stiglitz-Sen-Fitoussi sur la mesure des performances économiques et du progrès social.

Analyse du modèle social français[modifier | modifier le code]

Elle effectue des comparaisons européennes en matière de modèle social et met ainsi en perspective le modèle français. Dans Faut-il brûler le modèle social français ? (2006), Dominique Méda et Alain Lefebvre analysent en profondeur les dysfonctionnements du modèle social français et les atouts du modèle nordique[9].

Entre 2008 et 2012, elle consacre ses recherches au rapport des Européens au travail[10], à l'évaluation critique du revenu de solidarité active[11], à la flexisécurité et aux réformes intervenues en matière de droit du travail[12], notamment à la mise en œuvre de la rupture conventionnelle du contrat de travail[13].

Economie de la qualité et transition écologique[modifier | modifier le code]

Depuis, Dominique Méda entame une nouvelle réflexion sur le passage d’une économie des quantités à une économie de la qualité. Comment penser une prospérité sans croissance, avec quelles nouvelles définitions et répartition des richesses ? Comment faire de la contrainte écologique une extraordinaire occasion de transformer le système économique et les rapports de travail pour que chacun accède à un travail décent ? Des questions qu’elle traite dans les deux derniers ouvrages collectifs qu'elle préface ou co-diriges en 2010 et 2011 : Redéfinir la prospérité et Les chemins de la transition. Elle prolonge ses réflexions dans La Mystique de la croissance. Comment s'en libérer, et dans Réinventer le travail, écrit avec Patricia Vendramin, puis dans un livre collectif, Travailler au XXIe siècle. Des salariés en quête de reconnaissance.

Essais et engagements associatifs[modifier | modifier le code]

En 2010, elle crée le Laboratoire de l'égalité[14] avec Olga Trostiansky, Cécile Daumas, Armelle Carminati, entre autres. Cette association promeut l'égalité entre les femmes et les hommes, notamment l'égalité professionnelle. Elle n'en est plus membre depuis 2015.

En 2016, dans Einstein avait raison il faut réduire le temps de travail, publié avec Pierre Larrouturou, elle défend la semaine de quatre jours de travail.

En 2018, elle publie avec Éric Heyer et Pascal Lokiec, Une autre voie est possible, chez Flammarion. Dans cet ouvrage, les auteurs remettent en cause l'idée selon laquelle le modèle social serait responsable de la situation de la France. Ils rappellent que la France n'est pas le seul pays à connaître des taux de chômage élevés : c'est également le cas de l'Espagne, de l'Italie, de la Grèce... Par ailleurs, ils reviennent sur les raisons de la crise. Les auteurs consacrent plusieurs chapitres à des propositions concrètes - dont la principale est la mise en œuvre d'un programme d'investissement public massif de plus de 20 milliards d'euros par an pendant dix ans dans la transition écologique et sociale - qui constituent un véritable programme de gauche.

Activités politiques et sociales[modifier | modifier le code]

En 1996, Dominique Méda participe à l'élaboration des thèses du mouvement Utopia lors de sa création. En 2008, elle fait partie du noyau qui fonde le Forum pour d'autres indicateurs de richesse avec les économistes Jean Gadrey, Florence Jany-Catrice, le sociologue Georges Menahem et le philosophe Patrick Viveret. Depuis 2012, elle en est l'une des trois co-présidentes.

En 2012, elle s'engage dans le lancement du collectif Roosevelt. En 2013, elle est présente au lancement du nouveau parti politique Nouvelle Donne aux côtés de Pierre Larrouturou. Elle est également membre du comité scientifique de la revue de sciences humaines, Bulles de Savoir.

Après la victoire de Benoît Hamon à la primaire citoyenne de 2017, elle devient conseillère « travail » pour sa campagne présidentielle[15] bien que ne partageant pas ses idées sur la disparition des emplois et la première version du revenu universel.

Elle soutient en 2018 le collectif européen Pacte Finance Climat, destiné à promouvoir un traité européen en faveur d'un financement pérenne de la transition énergétique et environnementale pour lutter contre le réchauffement climatique[16].

Elle est membre du comité d’orientation et de prospective du Forum Vies mobiles.

Depuis le , elle est la présidente de l'Institut Veblen pour les réformes économiques[17].

Elle tient une chronique mensuelle dans le journal Le Monde[18].

Distinctions[modifier | modifier le code]

Décoration[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • C'étaient les années Macron, Éd. Flammarion, 2022 (ISBN 978-2080289612)
  • Dominique Méda, Isabelle Ferreras et Julie Battilana, Manifeste Travail : démocratiser, démarchandiser, dépolluer, Le Seuil,
  • Dominique Méda et Sarah Abdelnour, Les nouveaux travailleurs des applis, PUF/ La Vie des idées,
  • Dominique Méda et Florence Jany-Catrice, L'économie au service de la société : autour de Jean Gadrey, Les Petits matins, .
  • Dominique Méda, Eric Heyer et Pascal Lokiec, Une autre voie est possible, Flammarion, .
  • Dominique Méda, Isabelle Cassiers et Kevin Maréchal, Vers une société post-croissance : intégrer les défis écologiques, économiques et sociaux, éditions de l'Aube, .
  • Dominique Méda et Florence Jany-Catrice, Faut-il attendre la croissance ?, La Documentation française, .
  • Dominique Méda, Dominique Bourg et Alain Kaufman, L'Âge de la transition : en route pour la reconversion écologique, Institut Veblen/Les Petits matins, .
  • Dominique Méda et Pierre Larrouturou, Einstein avait raison : il faut réduire le temps de travail, Éditions de l'Atelier, .
  • Dominique Méda, Maëlezig Bigi, Olivier Cousin, Laetitia Sibaud et Michel Wieviorka, Travailler au XXIe siècle : des salariés en quête de reconnaissance, Robert Laffont, .
  • Dominique Méda, La mystique de la croissance : comment s'en libérer, Flammarion, .
  • Dominique Méda et Patricia Vendramin, Réinventer le travail, PUF, .
  • Dominique Méda, Thomas Coutrot, David Flacher et Dominique Méda, Pour en finir avec ce vieux monde : les chemins de la transition, Utopia, .
  • Dominique Méda, Travail, la révolution nécessaire, éditions de l'Aube, La Tour d'Aigues, (ISBN 978-2-8159-0036-2).
  • André Gorz penseur pour XXI siècle, Collectif sous la direction de Christophe Fourel, 2009, Éd. La Découverte, (ISBN 978-2-7071-5697-6),
  • Dominique Méda, Au-delà du PIB : pour une autre mesure de la richesse, Champs-Actuel, .
  • Dominique Méda et Évelyne Serverin, Le contrat de travail, La Découverte, coll. « Repères », .
  • Dominique Méda et Hélène Périvier, Le deuxième âge de l’émancipation, La République des idées, .
  • Dominique Méda et Alain Lefebvre, Faut-il brûler le modèle social français ?, Seuil, .
  • Dominique Méda, Peter Auer et Geneviève Besse, Délocalisations, normes du travail et politique d’emploi : vers une mondialisation plus juste ?, La Découverte, .
  • Dominique Méda, Françoise Milewski, Sandrine Dauphin, Nadia Kesteman, Marie-Thérèse Letablier, Françoise Nallet, Sophie Ponthieux et Françoise Vouillot, Les inégalités entre les femmes et les hommes : les facteurs de précarité, Rapport de mission remis à Madame Nicole Ameline, ministre de la Parité et de l’Égalité professionnelle, , 339 p. (présentation en ligne, lire en ligne)
  • Dominique Méda et Francis Vennat, Le travail non qualifié : perspectives et paradoxes, La Découverte, .
  • Dominique Méda, Le Travail, PUF, coll. « Que sais-je ? », (réimpr. 2022), (ISBN 2130561179).
  • Dominique Méda, Bernard Bruhnes, Denis Clerc et Bernard Perret, 35 heures : le temps du bilan, Desclée de Brouwer, .
  • Dominique Méda, Jean-Yves Kerbouc’h, Christophe Willmann et Rachel Beaujolin-Bellet, Le salarié, l’entreprise, le juge et l’emploi, Cahier Travail emploi, La Documentation française, .
  • Dominique Méda, Le Temps des femmes : pour un nouveau partage des rôles, Flammarion, (réimpr. 2002,2008).
  • Dominique Méda, Qu’est-ce que la richesse ?, Aubier, coll. « Alto », (réimpr. 2000).
  • Dominique Méda, Travail, une révolution à venir, Mille et une nuits/Arte Éditions,
    Entretien avec Juliet Schor
  • Dominique Méda, Le partage du travail : problèmes sociaux, La Documentation française, .
  • Dominique Méda, Le travail : une valeur en voie de disparition, Aubier, coll. « Alto », (réimpr. 1998).
  • Dominique Méda, Marie-Thérèse Join-Lambert, Anne Bolot-Gittler, Christine Daniel et Daniel Lenoir, Politiques sociales, en collaboration, FNSP/Dalloz, (réimpr. 1997).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Travaux de la délégation aux droits des femmes - Sénat » Accès libre, sur Sénat (consulté le )
  2. CV de Gilbert de Terssac [1]
  3. Robert Solé, « Le travail désenchanté », Le Monde,‎ , p. 16 (ISSN 0395-2037) :

    « A propos du livre "Le travail, une valeur en voie de disparition" paru chez Aubier : « Voici un vrai livre, dense, profond et stimulant, qui nous change de beaucoup de faux essais aux pages creuses et aux titres accrocheurs ». »

  4. Jacques Robin, « Une valeur qui disparaît », Le Monde diplomatique,‎ , p. 27 (ISSN 0026-9395) :

    « Dans un ouvrage qui va faire date (Le travail une valeur en voie de disparition, Aubier), une jeune philosophe, Dominique Méda, nous livre une réflexion dense et stimulante sur le rôle du travail dans la société. »

  5. Chemin 2014.
  6. Lemaître 1996.
  7. Brown 2004.
  8. a b et c Monteil 2000.
  9. Nezosi 2007.
  10. La relation des Européens au travail - Introduction - Site de la Documentation française
  11. Le RSA : innovation ou réforme technocratique ?, http://www.cee-recherche.fr/fr/doctrav/152-rsa-innovation-reforme-technocratique-enseignements-monographie-departementale.pdf
  12. L'Emploi en rupture, Dalloz, 2010
  13. http://www.cee-recherche.fr/fr/connaissance_emploi/97-raisons-rompre-cdi-rupture-conventionnelle.pdf
  14. Site du Laboratoire de l'égalité
  15. Boris Manenti, « Qui compose l'équipe de campagne de Benoît Hamon ? », nouvelobs.com, (consulté le )
  16. « Les Premiers signataires | Pacte Finance Climat », sur climat-2020.eu (consulté le )
  17. Dominique Méda devient présidente de l’Institut Veblen sur le site de l'association le
  18. « Dominique Méda, ses dernières publications dans Le Monde », sur lemonde.fr (consulté le ).
  19. Promotion du [2]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Anne Chemin, « Février 1996 : Dominique Méda se défend de toute paresse », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  • Delphine Chauffaut et Danielle Boyer, « Dominique Méda et Hélène Périvier, Le deuxième âge de l’émancipation. La société, les femmes et l’emploi », Recherches et prévisions, no 90,‎ , p. 117-119 (lire en ligne).
  • Gilles Nezosi, « Alain Lefebvre. Dominique Méda. Faut-il brûler le modèle social français? », Recherches et prévisions, no 87,‎ , p. 105-106 (lire en ligne).
  • Elizabeth Brown, « Méda D. — Le temps des femmes, pour un nouveau partage des rôles », Population, vol. 59, no 1,‎ , p. 172-174 (lire en ligne).
  • Pierre-Olivier Monteil, « Dominique Meda, Qu'est-ce que la richesse ? », Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique, vol. 66, no 1,‎ , p. 111-112 (lire en ligne).

Liens externes[modifier | modifier le code]

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